Les hypothèses étiologiques à ce jour
 
La psychiatrie et la biologie
 
La psychiatrie est incapable d'isoler un critère spécifique qui pourrait rendre compte de façon constante du trait psychotique, malgré son extraordinaire finesse d’observation. Que l'on prenne chacun des items qui composent les tableaux psychotiques, aucun d'entre eux n'est pathognomonique d'une psychose ni ne dicte avec certitude son évolution. Il faut de ce point de vue prendre au sérieux cette plaisanterie habituelle qui veut que chacun se reconnaisse au fur et à mesure de la lecture d'un manuel de psychiatrie ! Dans son ensemble, l’observation psychiatrique valide en fait le glissement insensible du normal au pathologique dans l’ensemble de son champ, comme on l’a vu en introduction.
 
Que ce soit strictement vrai en fait plus qu'un amusement. Ce n’est que l'ensemble de certains de ces traits et leur relative permanence qui tend à poser le diagnostic, deux critères donc forts flous et d'ailleurs variables en étendue et en temporalité chez chaque patient. Les témoignages de cette versatilité des symptômes, donc aussi des guérisons avec ou sans neuroleptiques, sont légion, le plus célèbre étant celui de Perceval dit le fou, publié par Grégory Bateson[1], dont nous explorerons plus loin les ressorts dialogiques. C'est aussi ce que montrent toutes les études sur l'évolution au long terme des phénomènes psychotiques, en fait largement imprévisible.[2] La clinique médicale échoue donc au pronostic devant ce trouble, ce qui est logique puisque le diagnostic lui-même est extrêmement flou, ainsi que l’étiologie habituellement invoquée, ce que nous allons maintenant voir.
 
De plus, aucune théorie psychiatrique, psychanalytique, génétique, biologique ou anatomique n'est capable de rendre compte de ce passage éclair par un moment psychotique, qu'on appelle la bouffée délirante aigüe, pas plus que du pourcentage important d’amélioration des tableaux de schizophrénie chronique au bout de 20 ou 30 ans d'évolution, avec ou sans traitement, comme on l’a vu plus haut, ni des 25% des schizophrénies qui guérissent définitivement avec ou sans traitement après un premier accès[3]. Si quelques inconstantes particularités anatomiques cérébrales sont parfois repérées dans ladite schizophrénie, elles ne sont jamais ubiquitaires et personnes ne peut affirmer en l’état actuel des connaissances si elles sont causes ou conséquences : bien sûr on pense aussi avec son cerveau, lequel va, comme les muscles, se façonner en raison du mode d'usage : avant l’invention du GPS, les chauffeurs de taxi londonien avaient des hippocampes largement surdimensionnés. Cet organe cérébral sert à l’orientation spatiale…
Pour rendre compte des arguments le plus souvent avancés pour soutenir l'hypothèse biologique, il en est un qui résume tous les autres par sa faiblesse : les études sur les jumeaux monozygotes, séparés à la naissance, dont il est souvent dit qu'elles montrent une concordance de 50% dans la schizophrénie. C'est d'abord faux, dans la mesure où ces études sont très variables, montrant entre 30 et 65 % de corrélation, discutable aussi car les critères d'inclusion sont parfois très loin d'une réelle schizophrénie, comme par exemple des dyslexies (!) enfin, et surtout, si une part, certainement faible d'après toutes les études, revient peut-être à la génétique, aucun gène ou groupe de gènes n'a été pour le moment été identifié de façon significative et surtout constante, malgré des recherches considérables. 
 
La presse médicale et non spécialisée clame depuis des années la certitude que l’autisme est d’origine génétique : l’étude récente la mieux menée à mon avis émane de généticiens de l’hôpital Necker[4], et ne montre que peu de choses ! Ce sont des travaux menés à l’aide de techniques modernes d’analyses chromosomiques qui ciblent la fréquence des allèles modifiés dans un échantillon le plus vaste possible comparé à des témoins. Des associations significativement plus nettes donnent des résultats avec 17 à 50% des échantillons selon les études. Ce sont des valeurs liées à de nouvelles répartitions des échantillons, et non à telle ou telle personne. De plus, ce que ces statisticiens appellent significativité est un nombre à peine plus fréquent de tel ou tel allèle par rapport au groupe témoin, mais dont le calcul mathématique permet de sortir un chiffre dit significatif. Ainsi, si sur un échantillon de 3000 cas d’autistes, on attend par exemple 9 cas d’une variation d’un gène dans la population générale, alors qu’on en trouve 21, la variation sera calculée comme significative, et le discours sera souvent qu’on a ainsi la preuve que l’autisme est génétique, alors que 2979 des 3000 cas étudiés sont indemnes de toute anomalie !
Chaque autisme est ( rarement en outre) où n’est pas lui-même porteur d’une de ces variations. Ce ne sont que des valeurs portant sur des ensembles. Une telle approche, si elle peut éventuellement mettre sur la voie de certaines prédispositions, avec, notons-le, des résultats cependant très contradictoires selon les auteurs, n’autorise pas le rêve d’un dépistage néo natal de l’autisme, faute de correspondance plausible entre la faible significativité éventuelle d’un sous groupe d’autistes et l’un d’eux en particulier.
Les études plus directs sur le patrimoine chromosomique propre de chaque autiste, par les laboratoires de l’inserm[5], montrent ceci : La prévalence des anomalies chromosomiques chez les individus autistes est de 5% à 10%. En outre, des anomalies de tous les chromosomes ont été décrites au moins une fois en association avec l’autisme [89]. Parmi toutes ces anomalies, celles impliquant le bras long du chromosome 15 ainsi que celles concernant le nombre et la structure des chromosomes sexuels restent de loin les plus fréquemment rapportées. Une étude épidémiologique récente montre que sur 278 individus autistes analysés, 6 (2,2%) avaient une anomalie du chromosome 15, 6 (2,2%) un site fragile en Xq27.3 et 5 (1,8%).

Cependant, les études d’association entre certains allèles du gène 5-HTT (5-hydroxytryptamine transporter) et l’autisme rapportent des résultats contradictoires, et nous n’avons pu établir aucun déséquilibre de liaison, ni aucune relation entre le taux de sérotonine sanguin et les polymorphismes du gène 5-HTT [11]. De manière générale, aucune des études fondées sur la fonction des gènes n’a permis de trouver de véritable corrélation entre les variations de ces gènes et le syndrome autistique. Aujourd’hui, les meilleurs gènes candidats sont ceux situés dans les régions de prédisposition détectées par les analyses de liaison, ou les gènes altérés par des remaniements chromosomiques.
Ce que ces auteurs appellent des « gènes candidats » sont des études à prévoir, et non des résultats notables !
Tout ceci n’empêche pas que se répande l’idée que l’autisme est d’origine génétique, bien entendu, dans ce glissement,  trop répandu dans ces milieux, et souvent repris par la presse, spécialisée ou non, de l’exception à la règle. Dans ce type d’article, il est en quelque sorte répété à l’envie : on a pas encore vraiment trouvé, mais on va le faire…
De plus, et enfin, le fait marquant que 4 garçons sont atteints pour une fille n’est actuellement expliqué par aucune théorie de cette nature. 
Les études sur les jumeaux monozygotes sont aussi variables, critiquables et peu convaincantes que dans la schizophrènie, ce qui n’empêche pas qu’elles soient abusivement appelées à la rescousses de ces généticiens. Les taux de 90% de correspondance trouvés dans certaines études tiennent à l’extension des critères d’inclusion : quasiment tout trouble psychologique même mineur est alors associé, augmentant ainsi fort artificiellement le nombre de correspondances.
 
Que l’immense majorité des cas individuels ne semblent pas liés à la génétique n’empêche pas qu’aucun crédit n’existe pour étudier finement ce qui se produit dans les interactions parentales la première année de vie. Tout se passe comme si ce domaine était interdit d’études, sous la pression d’associations de parents en lien avec le milieu universitaire et politique. 
 
[11] https://www.cairn.info/revue-recherches-en-psychanalyse-2011-2-page-196.htm
 
[12] C’est moi qui souligne…
[15] https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Nom-du-père_(concept)
 
[16] Explorée par François Tosquelles également : Fonction poétique et psychothérapie Ères 2003
[17] Études Psychiatriques, Desclee de Brower, 1948
[18] https://www.penserchanger.com/la-double-contrainte-je-gagne-tu-perds/amp/