Enfin, le développement important de la physique des résonances amène, avec le théorème de Poincaré, une notion d'irréversibilité du changement, traduite dans les termes mathématique par le concept de fonctions non intégrables, c'est à dire en partie non calculables, mais approchables statistiquement, reprise dans les derniers développements de la thermodynamique. Ainsi, ondes et corpuscules quantiques, dérivées de fonctions intégrables et résonances, production psychique et retours dialogiques parlent-ils au fond un peu de la même chose : l'invention constamment partiellement imprévisible et parfois structurante du monde.
De manière plus intuitive, cela peut se comprendre avec l'exemple d'une toupie : si la conjonction, la résonance des forces complexes qui s'appliquent à elle est un grand système de Poincaré, cela signifie que l'axe de la toupie dessine une courbe régulière, donc définissable statistiquement comme l'intégrale de ces mouvements. Si au contraire les forces de lancement interférant avec la force de la pesanteur et la force d'inertie rotatoire, puis de frottement ne résonnent pas de façon stable, intégrable, la toupie partira dans tous les sens de façon chaotique. Pour l'enfant qui la lance, le coup sera loupé. Un léger évènement aléatoire au lancement mène à l'un ou l'autre système.
On constate également dans cet exemple un phénomène proche de celui exploré par Jéremy England : les flux entrants, lorsqu'ils donnent lieu à une organisation spontanée, lorsqu'ils sont intégrables, dans le sens commun et selon Poincaré, aboutissent à une dissipation d'énergie plus durable que dans le cas d'un lancer raté, donc plus efficace selon le critère temporel au moins…
Les résonances dans les cas non intégrables, ne font pas structure, ne provoquent pas d'organisation.
Il est clair en effet que les phénomènes de résonances peuvent aussi bien détruire que construire : détruire comme le pont de Tacoma ou le verre de la Castafiore, ou construire, comme les résonances musicales construisent un monde de plaisir, comme le monde de l’art ouvre l’imaginaire par toutes les métaphores et correspondances qu’il propose. Il est net en particulier que la métaphore est une résonance.
Pourquoi ne pas poser l’hypothèse que le départ de la vie est une de ces résonances, ici entre parents et enfants, qui va venir structurer les outils de la relation, ou non, ce qui peut aboutir à l’autisme. Qu’il n’existe pas d’auto organisation dans ce domaine est largement, hélas, prouvé expérimentalement dans l’hospitalisme et les cas d’enfant sauvage.
 Ce n’est sans doute pas un hasard si les chansons d’enfance existent dans toutes les civilisations, mettant ainsi en résonance le plaisir maternel et celui de l’enfant. Qui fera une étude sur le lien entre la présence ou non de ces chansons d’enfant et les troubles neuro-développementaux ?
Notons aussi que cette réflexion sur l'importance des résonances qu'entraînent les flux d'énergie qui traversent le vivant amène à une autre lecture des effets du refoulement. C'est, tout simplement, que lorsque des éléments essentiels du psychisme sont refoulés, n'étant plus accessibles, ils ne sont plus en possibilité de résonner avec ce qui se présente au sujet. Dès lors une part plus ou moins importante de l'être est soustraite aux effets constamment restructurants du réel. Le noyau fixe et non remaniable reste fiché au coeur d'un l'appareil psychique qui lui s'adapte comme il peut au réel, gêné, parfois bloqué lui aussi par ce noyau abrité des flux de la vie. Beaucoup de symptômes ne le restent alors qu'en raison même de la persistance du refoulement. Les causes du refoulement n'expliquent pas tous les symptômes. Qu'il se lève, et alors ce symptôme s'expose à nouveau au flot des informations, se remaniant alors par simple nécessité thermodynamique.
Lorsque le refoulement est celui d'un chaos lui-même, la construction de l'appareil psychique est bien en danger, menacée par un chaos interne et externe. Les flux entrant et sortant ne permettent plus la construction dissipatrice.
 C'est l'exemple qui suit.

: A ~ MARK DONT LE MOI ETRANGER
RÉVELE LA FOLIE DE LA MERE*

(1969)

Dans un de mes cas récents, il a été nécessaire de remarquer,  de comprendre et d'interpréter l'intrusion soudaine d'un matériel « étranger». Le patient était un garçon de six ans qui m'était  
envoyé parce qu'il était incapable d'utiliser son intelligence qui   était bonne; au lieu de cela, il mordait jusqu'à les trouer ses gants, sa veste, sa cravate, son pull-over, et il ne voulait déféquer  
que dans un pot de chambre à côté d'un des parents. En outre, bien des détails de sa vie quotidienne devaient être ritualisés et il ne pouvait pas manger certains aliments.  
Il n'est pas nécessaire de donner ici une description détaillée   du cas, mon but se limitant à décrire l'entretien psychothérapique qu'il a eu avec moi la seule fois où je l'ai vu. L’entretien  
a eu un bon effet, parce que j'ai été en mesure de faire le tri entre la pagaille qu'il y avait dans l'esprit du garçon et la pagaille introduite dans sa vie par certains traits caractéristiques de la mère. Le lecteur peut être assuré que cet enfant unique était aimé de ses parents et que la famille ne risquait pas d'éclater. Le père avait une profession libérale et la mère avait fait des études la préparant à l’enseignement.  
Pour l'utilité du tableau de la séance, je vais demander au lecteur d'être attentif à de nombreux détails en raison simplement de la continuité qu'ils donnent au matériel.  
Nous avons joué ensemble au jeu du squiggle et il me fut facile de découvrir sa capacité de plaisir à jouer, et facile de jouer avec lui. Voici ce qui s'est passé en même temps que les
dessins : après une discussion à bâtons rompus sur sa maison et sa situation familiale, nous avons préparé le papier et deux crayons et j'ai commencé en faisant le premier squiggle.
La figure I est mon dessin qu'il a transformé en un âne tout en donnant d'autres possibilités : cochon, cheval, vache, chien. « Il a un drôle d'oeil. », Là, dans le «drôle d'oeil », nous avions
déjà une référence à l’idée imprévisible. La figure 2 est son dessin dont il dit que c'était une tête et je lui ai fait le corps d'une ?lle. La ?gure 3 est mon dessin qu'il a transformé en une drôle
de tête. Notez la répétition du thème de « drôle››, indiquant son importance. Il a fait référence à moi, qui était aussi une référence à l'opinion que la mère a de moi. Apparemment, elle possède un livre de moi qu'il a vu et il a dit: «Vous écrivez bien avec votre tête. ›› Je pense que le gribouillis assez élaboré sur le front se référait au cerveau comme si c'était un portrait
de moi vu au travers des yeux de la mère. « L'homme a un drôle de nez avec trois narines, ses oreilles sont derrière et vous ne pouvez pas les voir. » Il m'a parlé des autres choses qu'il
savait dessiner, y compris l'autobus, et il avait très envie d'avoir des pastels de couleur. Il m'avait déjà utilisé pour me parler de l'idée qu'il y a quelque chose de drôle à propos de l'esprit. Je ne ?s naturellement pas d'interprétation. On pouvait penser que les trois narines étaient de la folie tout en étant dans le champ des activités ludiques du garçon. Figure 4: le papier s'est déchiré tellement le dessin était vigoureux. Il n'a pas réussi à dessiner quelque chose au début. La figure 5 a une sorte de mystère. C'était son dessin à lui. En haut dans le coin il a fait une marque. Cette marque faisait aussi partie d'un «M››. Là, il y a un jeu de mots sur son nom à lui (Mark). Il dit : «C'est un rien  ›› Il avait atteint une défense extrême, car s'il est une non-chose, il ne peut pas être tué ou blessé par le pire traumatisme imaginable. J’ai repris ce thème en lui disant que dessiner était comme une façon de sortir quelque chose de sa tête et de le mettre sur le papier. Il a parlé de la façon dont le train doit parfois s'arrêter pour laisser passer un train express. Il a dit: « Notre train est bloqué parce qu'ils doivent changer d’aiguillage, et après nous pourrons revenir. ››  
À ce moment-là, il a juste rattrapé le crayon qui allait tomber par terre, et cela ainsi que d'autres petites choses semblèrent importantes, indiquant qu'il y avait un chaos plutôt que
de l'ordre dans ses expériences immédiates. Puis le crayon a glissé par terre; néanmoins il n'était pas dans un état de frayeur et on pourrait dire qu'il avait trouvé une position d'où
il regardait passer l'express. Ensuite nous avons eu un interlude. ]'ai utilisé la pause
pour lui poser des questions sur ses rêves. Il a dit: «Je ne sais pas », et il est retourné dessiner la ?gure 4: « C'est une locomotive. Ça, c'est une bonne fenêtre. C'est comme une vraie
fenêtre de locomotive, un train à vapeur. ›› Il allait vers le train express traumatique qui, de toute évidence, lui rappelait sa mère. « Dans le parc de Battersea il y a un train qui ressemble
à un train à vapeur, mais en fait c'est un Diesel. Maman pense que c’est un train à vapeur ! » Il a continué à parler des trains a vapeur qu'il voit dans le réseau ferroviaire souterrain. Il observe de vraies manoeuvres de triage et il y en a une qu'il a vue des quantités de fois lors de divers voyages à  Victoria Station ; en marche arrière et en marche avant. « ]'ai vu dans le journal quelque chose de l'autre côté du monde qui était en feu. Les gens n'étaient pas tués ; bon, pas tant que ce n'était qu'un petit incendie. ››
Les risques immenses de danger sont indiqués par un commentaire sur le feu dans la locomotive à vapeur. « Oh! nous avons oublié le tander pour le charbon. ›› Et il a commence à essayer de l'ajouter derrière la locomotive; bien d'autres petits détails ont été perdus à ce moment-là, et alors il a subitement manifesté quelque chose de tout à fait nouveau et d'extérieur à la pente prise parle matériel.

L'agent traumatique survient

À ce moment-là, son comportement a commencé à détonner tout à fait. C'est à peine si je pouvais reconnaître en lui le même garçon. Quelque chose de nouveau était survenu et s'était emparé de lui. Ce quelque chose de nouveau était de l'ordre de: entendre un drôle de bruit. C'était un mugissement. Cela pouvait provenir du radiateur à gaz, la sorte de bruit qu'il fait quand il fuit. Il est allé examiner le radiateur, mais il n'y avait pas d'odeur, donc il ne fuyait pas.
Il ne m'était pas possible de savoir s°il hallucinait ou s'il avait une remémoration sous une forme auditive. ]'allai un peu à la pêche avec une interprétation à propos d°entendre les parents dans la pièce à côté; à cela il rétorqua par un « non » ferme et il dit : « C'était tout la-haut sur les collines ou peut-être exactement å la source de la Tamise. ›› J'ai poursuivi mon idée en disant: «Comme si c'était le début de Mark, quelque chose qui arrive entre maman et a a. » il m'a suivi en faisant un effort pour se conformer à cela: «Au commencement, j'étais dans maman et ça a fini quand je suis sorti de maman à l'hôpital. Il n'y avait pas de bruit, mais des bébés qui pleuraient. ››…
Je dis : «Je me demande s'il y avait un bruit à l'intérieur de maman ››, et il dit qu'il~ avait les yeux fermés et donc qu'il ne pouvait pas entendre. Moi-même j'étais dérouté et il semble que j'ai persévéré avec cette interprétation de la scène primitive comme si j'étais perdu- “ *_
Il était difficile de prendre des notes sur la façon chaotique dont le matériel apparaissait. II a fait des bruits illustrant le genre de bruit qu'il entendait ou dont il se souvenait et il ce quoi semblait, cela comprenait le mot « non ››, et le tout s est répété plusieurs fois. Tout était frénétique ou fiévreux. Il a interrompu cela en disant : « Qu'est-ce que vous faites -- Vous écrivez d'autres livres? ››, en se référant aux notes que je prenais. Alors j'ai écrit « Mark» en très gros et de différentes façons. Il a dit : "C'est pas bien écrit; c'est du gribouillage.›› .

Je crois que c'est là que la figure 4 a été déchirée par Mark  alors qu’il faisait sa marque de plus en plus vigoureusement. Il a découvert à ce moment-là qu'il avait complètement perdu  son crayon. Cela paraissait important, quoique pendant un moment il se soit pris d'intérêt pour un vieux couteau à crayon dans le plumier. Ensemble nous l'avons examiné et il a dit: «j'ai la permission d'avoir un canif ›› Il a donné des coups de couteau dans le papier et un peu dans la table et c'est à ce moment-là que la figure 4' a été le plus endommagée. La feuille a subi de nouveaux dommages à plusieurs reprises et je crois qu'il montrait pourquoi il devait être rien s'il fallait qu'il laisse se produire la « chose ›› traumatique. Il y avait là aussi le thème de la pénétration déjà évoqué å propos de l'origine de Mark. Il était en train d'explorer la boîte contenant crayons et pas- tels. Est-ce que j'ai une « gomme››? (je n'en ai pas) «Mon Dieu! ››, et ainsi de suite. Le jeu touchait maintenant à sa fm et il a commencé à marcher de long en large en se lançant sur quelque nouveau thème. Il a sorti quelque chose de sa poche droite et de sa poche gauche et a enfoncé ces choses dans son oreille droite et son oreille gauche; il y avait tout lieu de supposer qu'il s'occupait des bruits hallucinés et qu'en outre il était venu préparé pour y faire face et avait apporté des morceaux de papier à droite et à gauche å utiliser pour ce faire.
Il manifestait un état de confusion, mais il a rapidement changé de sujet et a fait référence à mon jardin suspendu qu'il pouvait voir de la fenêtre. Il a fait allusion à une histoire dans une bande dessinée et il s'est demandé où cette bande pouvait être. Il est probable que sa mère l'avait dans la salle d'attente, pensait-il. De la sorte, la mère réelle lui est revenue à l'esprit et j'ai pu m'apercevoir que le train express avait été une mère folle. Je n'étais cependant pas encore assuré de mon terrain et j'ai remis à plus tard l'interprétation principale. Une angoisse s'est manifestée encore davantage quand il a *dit : «Je vais peut-être rentrer, bientôt ou tout de suite. ›› Il se réfé-
rait à la peur des bruits; et il s'amusait en imaginant que la chaise marchait et faisait comme si elle allait donner un coup à sa mère ou comme si elle allait être renversée.   * J'ai évoqué la folie que cela représentait. Lui ou moi avons dit «Tout est devenu fou ››, et on a ri un peu. J'ai dit à propos
de la tête : «Elle a des yeux mais pas d'oreilles », et il a dit : « Si, elle en a, mais elle est tombée et maintenant elle est à l'envers. ›› Il y a eu un moment où le monde était fou avec des bruits comme « Woof! woof! ›› à l'intérieur de la chaise folle, et puis ce bruit est sorti pour aller de l'autre côté de la chaise. ]'ai fait une remarque à propos d'un lieu fou à l'intérieur de sa tête à lui ou peut-être à l'intérieur de sa mère, et j 'ai commencé å avoir la conviction que ce garçon m'apportait un tableau de sa mère malade. . . s Poursuivant le thème de la scène primitive, j'ai dit : « Et alors
maman a fait un grand bruit, et ça s'est appelé Mark. ›› Finalement j'ai déclaré fermement: « Il arrive que maman devienne folle quand tu es là. C'est cela que tu me montres; »  Il détournait son attention en racontant le soin qu'il fallait prendre avec les trucs électriques. Il dit: « J e i suis né garçon. » Je dis: «Tu es né un grand bruit!» et il dit: «Non, je ne suis pas l ›› *
Il voulait maintenant s'en aller, mais en disant qu'il n'avait pas peur, simplement qu'il voulait voir sa mère et nous sommes allés ensemble la chercher. *