L’hypothèse culturelle : l’industrie des outils, transmission sans langage ou preuve de son existence ?

 

 

 

 


Deux découvertes archéologiques nous  serviront à  avancer : d’une part les premières manifestations d’une industrie humaine, d’autre part les premiers éléments apparemment symboliques.

 

 

 

 

 

Des outils en pierre datant de 3,5 millions d’années ont été trouvés en Afrique ! Ils étaient probablement l’œuvre de paranthropes, cousins mais non ancêtres de notre lignée. Ils nécessitaient déjà un processus assez complexe de fabrication, avec une enclume, l’objet lui-même et un percuteur. Certains ont pu supposer que cette industrie nécessitait une première transmission langagière, donc témoignait de l’apparition d’un vrai langage. Rien n’est cependant moins certain, puisque nos grands singes actuels utilisent aussi des outils de pierre, même s’ils ne sont pas retravaillés comme chez les paranthropes.

La transmission culturelle d’outils ou de comportements est assez fréquente chez les animaux, que ce soit les singes japonais qui nettoient leurs aliments à l’eau, les chimpanzés africains qui cassent les noix avec des pierres depuis 4000 ans, les corbeaux calédoniens qui façonnent des tiges rigides pour extraire les insectes, etc...

 

Un doute persiste donc quant aux outils des paranthropes, dont la relative complexité implique un moyen de transmission, mais rien ne permet de trancher à ce propos entre le mimétisme de gestes ou une ébauche de langage… La transmission culturelle par mimétisme est fréquente dans le monde vivant, sans aucun besoin d’un langage

 

Ainsi, il n’est pas bien convainquant que ni la position de la glotte, ni la latéralisation du cerveau, ni le développement cérébral, ni l’invention et le maniement d’outil puissent à eux seuls, isolement ou même ensemble, suffire à expliquer l’apparition du langage.

 

 

3. Premiers signes symboliques et complexification sociale

 

L'apparition concomitante du bijou et du symbolisme préhistorique.

 

Les plus anciens bijoux connus remontent à plus de 100 000 ans, coïncidant avec les premières preuves de comportements symboliques chez Homo sapiens.

Ces parures, ainsi que les gravures et les sépultures, témoignent d'une capacité cognitive nouvelle, allant au-delà des simples besoins de survie.

Les interprétations de la signification de ces premiers symboles sont variées (ornementation, statut social, appartenance, pensée abstraite), mais aucune n’est vraiment explicative.

 

Le rôle potentiel du signifiant linguistique.

 

L'émergence du signifiant dans le langage articulé, basé sur un système de signes arbitraires suggère au contraire l’apparition d’une capacité fondamentale de pensée symbolique.

Cette capacité pourrait être le socle commun à l'apparition des bijoux, des gravures et des sépultures, qui impliquent tous une forme d'abstraction et de représentation symbolique.

La complexification sociale croissante pourrait avoir créé une "pression sélective" au sens darwinien favorisant ce développement du langage et par là permettant l’expression, de ces formes d'expression symbolique.

Si Homo erectus commence à graver, ce n’est pas un geste individuel purement esthétique : c’est l’indice d’un espace social où ce geste fait lien, produit de l’imaginaire commun, partage une mémoire ou une trace. Il est peut-être témoin que déjà un sujet s’inscrit dans un signifiant linguistique.

 

En effet, Homo erectus vit en groupes structurés, avec sans doute coopération, transmission de techniques, déplacements coordonnés et déjà éducation des enfants. On pense que l’allongement de l’enfance, déjà amorcé, qu’on repère à la largeur plus faible du bassin des femmes, indiquant un volume cérébral de l’enfant réduit, implique du temps de croissance pour l’apprentissage, pour le jeu, pour la médiation. Cela ouvre l’espace d’un tiers et de transmission.

La division du travail, les campements organisés, les outils standardisés, l’éducation des enfants, tout cela suggère un ordre collectif, donc potentiellement un ordre symbolique pour porter toutes ces structures qui ne sont pas de l’ordre de l’instinct.

Si les gravures sont intentionnelles, elles impliquent donc la conscience qu’un autre regardera. Ce qui suppose un Autre déjà constitué ou en voie de l’être, un regard tiers qui donne sens à l’inscription. La marque symbolique précèderait peut-être le rituel funéraire, parce qu’elle naît d’abord d’un lien social. Ce serait l’évolution de ce dernier, à l’intérieur des groupes, et dans les contacts entre groupe, qui amènerait à cette appropriation symbolique du territoire que sont peut-être les premières sépultures.

 

Ce qui est très solide de mon point de vue tient à la coïncidence temporelle entre la complexification des organisations sociales intra et inter groupes humains et l’apparition des premières traces organisées et structurées, donc par définition symboliques, puisque non directement utilitaires.

La montée en complexité des structures sociales (échanges, hiérarchies, transmission, fonctions familiales et sociales) appelle une figuration de l’ordre collectif, au-delà de l’interaction immédiate. Cette figuration passe par des objets qui n’ont pas de fonction pratique directe : bijoux, sépultures, gravures, premiers opérateurs symboliques. Ce sont les premiers supports visibles de ce que j’appelle un imaginaire collectif : un ensemble de représentations partagées, adossées à un ordre symbolique naissant, permettant aux sujets de s’y repérer, s’y inscrire, s’y reconnaître. Un symbole est sans doute à la fois un objet et un mot, dont la fonction n’est pas immédiatement utilitaire, mais renvoie à un contrat social.[6] Ainsi chez nous l’alliance, qui est à la fois un objet, un mot aussi, mariage, et renvoie à une organisation sociale.

 

C’est bien en raison du fait qu’on ne peut pas savoir ce que représentait par exemple la plus ancienne gravure connue, d'un homo érectus, qu’elle est symbolique : manque le référent signifié de ce qui était de ce simple fait sans doute déjà un symbole, et non un objet manufacturé utile, qui porte son sens en lui-même. Par contre, les pierres taillées datent de 3 millions d’années dans les plus récentes découvertes, donc contemporaines de l'homo habilis, mais ne disent rien, du fait qu‘elles ne sont qu’utilitaires, sur un éventuel langage symbolique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 À l’inverse, cet objet de 500 000 ans composé de zigzags sur un coquillage, découvert sur l’ile de Java, dit tout autre chose de l’homo érectus qui l’a produit, et peut-être précisément que la fonction signifiante débutait à cette époque…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aucun animal en effet ne laisse ainsi de trace purement symbolique dans son milieu naturel. Si on fait dessiner des singes et même des éléphants, il s’agit de tout autre chose, c’est à dire du dressage. Les extraordinaires dessins faits sur le sable des poissons globes, les fugus japonais, sont des signes sexuels instinctuels.

 

 

 

 


Un autre hominidé, Néanderthal lui, laisse aussi d’énigmatiques gravures, datée elles de 75000 ans. Mais il nous faut faire un détour par l’enfance pour proposer une hypothèse concernant cet ancêtre !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




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