Ce qui est intéressant dans ce que nous amène ces théories biologiques et thermodynamiques tient à la suite de l'évolution de ces oscillations. En effet, elles ne se produisent que dans des systèmes loin de l'équilibre, c'est à dire soumis à des flux externes. il y faut un apport énergétique externe si on veut éviter l'aporie thermodynamique du mouvement perpétuel.
L'exemple connu dans ces sciences des lapins et des renards va nous permettre d'avancer : soit un ensemble de lapins et de renards dans un parc clos, avec au départ autant de lapins que de renards.  Ces derniers se régalent, et donc les lapins diminuent. Comme il y moins de nourriture, les renards se reproduisent moins et leur nombre diminue. Comme les lapins se multiplient alors, leur nombre augmente, etc… On est dans une oscillation de population.
En fait, comme la nature ne se refait pas, elle a horreur du mouvement perpétuel, donc autre chose se produit : l'élément déterminant de ce processus ne tient ni au renard ni au lapin, mais à l'herbe. C'est en fait elle qui amène l'énergie qui tient le système hors de l'équilibre, qui nourrit les lapins et lorsqu'elle vient à manquer, tout s'effondre alors. Mais on pourrait aussi prendre le soleil, qui nourrit l'herbe, etc.. Un élément tiers, qui soutient en fait les éléments de l'oscillation, détient les clés de la durée du phénomène, en l'éloignant de l'équilibre par son apport énergétique externe.
Alors, pour notre exemple clinique, ce qui soutient le système hors de l'équilibre est précisément le transfert. C'est en fait ce déplacement transférentiel qui, peu à peu, épuisera le processus obsessionnel, pour autant que l'investissement d'une psychanalyse éloigne du transfert à la famille (du moins la famille qui existe en séance, ce qu'on appelle les imagos, à ne pas confondre avec la famille réelle, dont on ne sait pas grand chose, et heureusement…), c'est à dire du terreau, de l'herbe qui nourrit la névrose. Eloignement momentané, parfois suffisant pour que grâce à l'analyse d'autres modalités de lien familial, d'autres investissements affectifs, d'autres liens sociaux évitent le retour ad intégrum familial.
On a ainsi, grâce à l'appui de la thermodynamique, une possibilité enfin claire d'explication du temps que prend une analyse avec ce type de névrose. Une des fonctions du psychanalyste est le maintien hors équilibre de l'oscillation névrotique… A condition que ses rares interprétations aient quelques résonances chez l'analysant!

Ces théories sur la résonance, produit du flux thermodynamique qui maintient nos systèmes psychiques loin de l'équilibre, dont nous avons vu qu'elles peuvent aussi bien participer à construire des structures qu'à les désorganiser, donnent à penser sur deux plans au moins dans notre domaine : le social d'abord, et, on vient de le voir, l'interprétation.

Le social tout d'abord. C'est que l'inscription dans une société ne peut fonctionner que si existent des résonances constructives entre les propositions sociales et les désirs des individus. Si les structures et fonctions du social et de l'appareil psychique ne sont pas à confondre, leurs interférences sont essentielles. Elles se repèrent à propos de phénomènes sociaux que Georg Simmel appelait des faits sociologiques globaux. Ces derniers sont naturellement fort éphémères, mais participent à des changements individuels et sociaux parfois majeurs. Ce sont des effets de résonance entre un évènement singulier et une société globale, tout étant prêt, pour diverses raisons, à cette rencontre, cette résonnance. De multiples exemples peuvent être ainsi repéré, comme l'immolation de ce jeune marchand tunisien qui enflamma tout le Magreb. Plus proche dans le temps, et quelles que soient les opinions politiques des uns et des autres, la rencontre entre ce jeune politicien ambitieux en France, E. Macron et un système politique à bout de souffle, etc…
Ces moments sont imprévisibles, car ils sont le produit aléatoire de complexités infinies, à la fois chez un individu et dans une société. La résonance se constate, simplement. Pour reprendre la terminologie de Poincaré, ces effets ne sont pas prévisibles, pas intégrables, même si parfois ils prennent forme.
C'est aussi ce qui s'oublie trop souvent chez ceux qu'on appelle des managers ou des dirigeants ! Le terme lui-même  prête à confusion, puisque personne ne peut gérer un ensemble non intégrable… Une entreprise, étant composée d'humains, ne peut se manager en fait. On ne peut que prendre acte des effets interférents, tenter de les organiser, et s'adapter aux changements dont la plupart sont imprévisibles. L'intérêt de l'entreprise n'est ainsi rien sans l'intérêt des humains qui la composent. C'est la prise en compte de tous ces effets de résonance dans un groupe qui en formera le tissu vivant, et autorisera un certain plaisir de fonctionnement.

C'est un peu la même chose pour l'interprétation dans notre métier. Lacan avait repéré que son effet est incalculable, lui qui s'intéressait aussi aux mathématiques. C'est que le niveau de complexité qu'est la rencontre de deux appareils psychiques, même si l'analyste tente de réduire l'aléatoire au champ de la parole concrète, sans trop projeter donc son propre psychisme, ce niveau est tel que seul l'effet après coup de résonance ou non de l'interprétation pourra se constater. La seule pensée de l'analyste, son appui excessif sur sa théorie le feront passer à côté de ces résonances avec la pensée la théorie du patient.
Enfin, pour clore cette réflexion sur la résonance, qui fera une étude sur l'augmentation phénoménale des troubles autistiques et l'oubli des chansons d'enfance qui berçaient notre ouverture à l'autre, par le biais de la voix chantée, cette résonance musical qui accompagne toute humanité, quelles que soient les époques…

D’une façon plus générale, on entend bien avec ces théories thermodynamiques que le mécanisme du refoulement, dans le second cas, du secret et du clivage voire de la dénégation dans le premier, ne permettent pas une fluidité de la circulation des informations qui autoriserait une organisation psychique dynamique. Dés lors la dissipation d’énergie reste essentiellement chaotique dans le trait psychotique de l’exemple de Winnicott, ou oscille de façon stable dans l’obsession, faute de la fluidité qu’empêche le refoulement, et qui sinon ferait basculer cette oscillation vers une organisation plus ouverte liée au mouvement de la vie.

L’hypothèse de Jeremy England, ainsi,  non seulement renouvelle grandement la science thermodynamique, mais autorise aussi des lectures nouvelles de nos cliniques. Il n’est de plus pas du tout certain que cette conceptualisation soit simplement une application métaphorique d’un domaine étranger à la psychanalyse, mais au contraire on peut se demander si on est pas ainsi au plus près de ce qui se passe en cure.
En particulier, le fait que la technique de la psychanalyse privilégie largement la parole du patient aboutit peut-être par cette dissipation qui est au cœur de notre pratique, par ce simple effet thermodynamique de flux, à ce que se réorganise peu à peu l’appareil psychique vers, de ce fait et automatiquement, un plus de plaisir, si on reste dans les définitions ici posées. Bien entendu ce flux ne se rétablit pas sans l’autre, et les informations qui en viennent, maintenant l'appareil psychique hors équilibre, ce qui reste tout l’art de la psychanalyse.

Et curieusement, l'appareil psychique serait, comme le vivant en général, en partie une machine chaotique apte, grâce à cette souplesse, à gérer le bruit énergétique dans lequel il baigne, en sélectionnant dans ce bruit les informations utiles à sa réorganisation adaptative constante. Ce serait au fond une machine à créer de l'entropie négative, générant sans cesse de l'organisation éphémère, luttant sans répit contre le chaos entropique environnant et interne. Le plaisir, de ce point de vue, baliserait alors le succès momentané de ce processus. Une autre définition pourrait être simplement que le plaisir signale la positivité de l'entropie de l'appareil psychique, alors que le déplaisir baliserait inverse…

On comprend bien aussi que ces mécanismes ne peuvent être qu'essentiellement individuels, puisque liés à un système précisément singulier, même s'il est ouvert.
Et comme cette organisation vitale unique reste liée à la présence et aux soins d'une autre organisation non moins singulière, le paradoxe humain tient à ce que l'équilibre vers l'entropie négative, dont la structure ne peut qu'être extraordinairement intime, dépend chez l'homme d'un autre organisme, dont l'équilibre entropique est par nature différent ! C'est au coeur de cette contradiction que se tient toute la science de la psychanalyse… Nous verrons plus tard que la fonction du langage est alors essentiellement de soutenir cette aporie.

Ainsi, entre ordre et désordre, l’appareil psychique serait une structure dont l'organisation à la fois structurelle et chaotique garantirait à la fois une persistance de l'être, comme disait Spinoza, et une adaptation parfois bien aléatoire au réel, mais adaptation tout de même. C'est l'aléatoire de ces changements que les théories de Jéremy England ont permis d'éclairer peut-être un peu plus, au-delà des données Darwiniennes, et ce, surtout, ce qui est là le pas important, tant au niveau de l'espèce que de l'individu…